On ne fait plus comme ça… vraiment ?
Un jour, un jeune collègue m’a dit en souriant, presque gêné :
« Ah non, on ne fait plus du tout comme ça maintenant… »
J’ai souri aussi.
Et tout de suite, une vieille histoire m’est revenue.
Une histoire que j’avais lue dans un recueil de contes chinois :
Dans une province reculée de Chine, un jeune moine impatient fut envoyé auprès d’un vieux maître potier.
Il voulait apprendre vite. Aller droit au but.
À peine arrivé, il observa le vieil homme tourner son argile lentement, former les mêmes gestes depuis des décennies.
Le jeune moine s’écria :
« Maître, pourquoi ne pas utiliser la nouvelle technique ? Elle va deux fois plus vite ! »
Le vieil homme leva les yeux, puis, calmement, répondit :
« Peut-être. Mais deux fois plus vite pour faire quoi ? Des pots… ou de l’harmonie ? »
Le jeune ne comprit pas. Pas tout de suite.
Ce n’est qu’après des semaines de gestes répétés, d’échecs silencieux, de patience cultivée, qu’il sentit enfin sous ses doigts la présence du souffle, la justesse du mouvement, le poids de ce que l’on ne peut transmettre qu’en le vivant.
Et voilà.
Les outils changent, les méthodes évoluent, c’est vrai.
Mais l’essentiel, lui, ne se démode pas.
Faire un bon pain ou une belle vente, guider un élève ou bâtir un projet…
C’est toujours une affaire d’intention, de présence, d’écoute.
C’est une rencontre entre deux êtres humains : celui qui a un besoin et celui qui propose une solution.
Qu’on soit autour d’un café ou derrière un écran, la confiance ne s’enseigne pas avec un logiciel.
Elle ne se code pas.
Elle se construit.
Et peut-être que c’est ça, finalement,le secret des équipes intergénérationnelles : accepter que les langages changent, mais que la musique reste.
Se reconnaître dans l’effort.
Au-delà des apparences.
Au-delà des outils.
Parce qu’un bon pot n’a pas besoin d’être pressé.
Et qu’un bon projet a besoin de sens, pas seulement de vitesse.